mercredi 31 décembre 2008

LIVRE : Paul des Épinettes, Jean Marc Rouillan

Paul des Épinettes, JM Rouillan, L’insomniaque et Agnès Vienot éditions

Paul est un bandit comme on en fait plus, de ceux qui peuplent les polars des années soixante, un bandit d’honneur qui ne se veut pas « voleur d’autres gens que les riches et l’institution ».
Témoins de la descente aux enfers de cet abonné de la taule, braqueur multirécidiviste, ses co-détenus racontent comment Paul a « chopé la myxomatose », la maladie du mitard. Ils disent son entrée dans la dépression et la folie, reconstituent la trame des dernières années de sa vie à l’extérieur. Le récit poursuit une trame qui bouleverse les règles chronologiques pour aboutir à un dénouement inattendu. Rétablissant une forme de suspense a priori prohibé par le cadre confiné du récit, il laisse à voir une fin tragique et sanglante.

Paul des Épinettes est un pavé hors-les-murs pour dire les maux de l’univers carcéral. Jann-Marc Rouillan, membre d’Action Directe, emprisonné depuis 1987, crie sa révolte intacte au fil de ce récit polymorphe. Peut-être n’est-il pas écrit pour être lu tant il semble parfois volontairement dérangeant. Âmes sensibles s’abstenir ! Le style violent et provocateur démonte les codes littéraires à défaut d’éclater les murs de la prison. Il est pourtant empreint d’une réelle recherche sur le travail d’écriture, découvre une poésie désenchantée forte de l’expression d’un témoignage rageur. Le texte est émaillé de citations qui viennent à propos souligner ou transcender le cours du récit. Paul des Épinettes n’est pas seulement l’histoire individuelle du parcours d’un détenu, le texte est le support de l’expression d’une réflexion globale sur le système pénitentiaire. Ce livre ne s’inscrit pas exclusivement dans la veine romantique du récit des exploits de ces détenus qu’on ne voit plus, des bandits d’honneur, mais rappelle la réalité douloureuse de ceux qui font le choix de défier l’ordre établi. Le style captive et joue parfois avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité avec la langue. Quelques très belles lignes trahissent aussi une écriture qui interroge la littérature et le statut de l’écrivain, comme un défi.